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Un autre monde par GaEm

Un papillon se posa sur son épaule, il frotta sa longue trompe sur un morceau de chair salée avant de prendre son envol. Les arbres étaient si hauts et la végétation si dense qu'il était difficile de savoir si c'était la journée ou la nuit. Farawell était le nom de ce guide qui frayait le sentier à grands coups de machette, outre son nom personne ne savait rien de lui vu qu'il ne parlait ni le Wendi ni l'Universel, son seul langage était l'onomatopée ce qui ne permettait pas toujours d'approfondir les relations. Suivaient une enfilade d'ombres dont on ne pouvait distinguer les visages, ceux-ci étant enrubannés, ne laissant qu'une fente apparente au niveau des yeux, le restant de leur corps était totalement nu, seul Farawell portait un épais pantalon de cuir dans lequel il transpirait sang et eau.

Ils étaient sept à le suivre ainsi dans cette jungle, cinq femmes et deux hommes qui fermaient le chemin. Farawell se battait tout le long de la traversée avec la même énergie et le même rythme, il ne paraissait jamais fatigué ni lassé de taillader dans les branchages verdâtres. Parfois son tranchant venait sectionner la tige d'un Luxaqua d'où giclait une gerbe de sève phosphorescente en même temps que s'exclamait le reste de la troupe. Chaque journée se passait à marcher dans la pénombre moite de cet enfer vert et comme chaque jour, à un certain moment, Farawell s'arrêtait en grognant, et du doigt il désignait une pierre sculptée qui émergeait du sol. Après avoir dégagé un espace circulaire autour du monument, Farawell invitait tout le monde à s'asseoir en cercle puis à se coucher et enfin il fermait les yeux et dormait. Les autres ne dormaient pas vraiment, vu qu'ils ne dormaient jamais et qu'ils ignoraient même ce que cela pouvait être. Ils restaient seulement allongés sur le dos, les yeux grands ouverts et l'esprit libre de toute pensée, c'est ainsi qu'ils se reposaient. Quand il en avait assez Farawell se redressait, s'étirait un bon coup avant de pousser le cri du départ, tous se levaient et c'était reparti.

La traversée dura une centaine de jours pendant lesquels personne ne dit un seul mot et personne ne mangea. Le centième jour, Farawell s'agenouilla pour embrasser le sol dès qu'ils furent sortis de l'opacité de la jungle. La lumière fulgurante du soleil fit étinceler la peau bleue de leurs corps. Sur un amalgame de grosses pierres grises ils firent une pause, ils se trouvaient enfin au pied de la montagne du Xerhin. Chacun à son tour s'enleva le turban et découvrit ainsi son visage. L'un des hommes s'approcha de Farawell et lui tendit les bras, la paume des mains vers le ciel. Farawell cracha dans une main tandis que l'homme cracha dans l'autre avant de les joindre et de les frotter au dessus de sa tête en prononçant le mot "YAJX" qui signifie "merci" en Wendi. Puis Farawell observa vers les crêtes, il prit l'air soucieux et grommela dans sa barbe. Inquiet, l'homme bleu le regarda interrogatif. Farawell se tourna vers tous et leur fit signe de s'accroupir en le faisant lui-même. Il pointa du doigt un des pic de la montagne, il insista comme pour leur faire comprendre que c'est là haut qu'ils doivent se rendre. Après quoi il se leva, fit un signe d'adieu de la main et regagna le chemin par lequel ils étaient tous arrivés. Il disparut dans l'obscurité tropicale.

Parmi les cinq femmes, deux étaient de très jeunes filles, deux autres d'un âge plus mûr et la dernière assez âgée mais rien ne les distinguait de leur âge dans leur physique, elles possédaient toutes le même corps et le même visage de jeune femme. Dans leur regard la distinction ne se faisait que par la couleur de leur yeux, plus ils étaient clairs plus la personne était âgée. Elles portaient toutes de longs cheveux noirs et fins qui retombaient sur leurs épaules; quant aux hommes s'ils avaient la même taille, ils n'avaient ni le même visage ni la même corpulence. L'un d'eux, celui qui remercia Farawell, était très maigre et son visage était marqué de fines ridules, l'autre était plutôt costaud avec le visage rond et bosselé, tous deux n'avaient pas un cheveu sur le crâne, le premier s'appelait Wuxulin et l'autre Kazdo.

Le sol était un désert de rochers saillants, sans aucune végétation, le pic sur lequel ils devaient se rendre était le troisième d'une série de six qui composent la chaîne montagneuse. Wuxulin marchait en tête, les femmes entre lui et Kazdo, le soleil ardent les réchauffait tout au long de la journée. Au coucher du soleil, ils s'arrêtaient pour s'allonger et ne repartaient qu'à l'aube. Dans la nuit noire, leurs corps rayonnaient d'un bleu intense à la manière de la sève blanche et étincelante des Luxaquas. Vu du ciel, ils inscrivaient un "o" lumineux au milieu de la noirceur de ce monde.

Au bout de quelques jours ils commencèrent à ressentir la fraîcheur matinale, puis ce fut la première neige sur laquelle ils posèrent leurs pieds nus. Wuxulin indiqua à tous que bientôt ils seraient rendus au sommet. En effet, le lendemain ils parvinrent au niveau du pic d'où l'on pouvait contempler l'immensité de la forêt qui emprisonnait la montagne du Xerhin. Le sommet de ce pic avait la particularité de former un plateau circulaire d'une vingtaine de mètres de diamètre. Ils se mirent tous debout et en ronde, s'accrochant l'un à l'autre par leurs petits doigts, seule une des femmes d'âge mûr nommée Xinthian vint se positionner au centre du cercle. Tous ensemble ils entamèrent un chant fait de petits mots saccadés dont le rythme évoquait celui d'un roulement de tambour, c'est alors que Xinthian s'allongea avec précaution. Son ventre prit la forme d'un ballon, il se gonfla soudainement et dans un râle vint l'enfantement. Le bébé, à peine sorti du ventre de sa mère, ouvrit grands ses yeux tout ronds et tout noirs, il poussa son premier cri qui ressemblait étrangement au "YAJX" prononcé par Wuxulin en remerciement à Farawell. Puis, le cordon coupé et noué, le bébé se mit brutalement à grandir et sur son crâne poussèrent de longs cheveux noirs et soyeux. Ayant atteint la taille d'une enfant, sa mère l'embrassa sur le front et vint se joindre à la ronde formée par les autres, c'est elle qui commençât à entonner le Qhian Ze autrement dit le "chant de la joie et de la naissance".

C'est ici, au sommet de cet étrange monde que naquit une petite fille baptisée Xavian dont la peau bleue et l'immense beauté vont ravir les mondes.

GaEm 2006

 

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